Commande publique : qu’est devenue la loi MOP ?

25 juin 2021

Commande publique : qu’est devenue la loi MOP ?

La moi MOP, la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, est née de la double volonté de législateur de redéfinir les relations entre la maîtrise d’ouvrage et les maîtres d’œuvre, en encadrant notamment la rémunération de ces derniers.

Mais en réalité, il s’agissait également de mettre un terme au recours à la délégation de maîtrise d’ouvrage, qui était alors généralisé.

Le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et l’arrêté du 21 décembre 1993 sont venus encadrer les missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé et les modalités techniques d’exécution des éléments de ces missions.

Curieusement, ces deux textes incontournables pour la construction publique ont toujours été écartés des différentes versions du Code des marchés publics.

La loi MOP était même sérieusement menacée d’extinction avant que la loi LAP[1] de 2016 ne prévoit l’obligation légale d’identifier l’équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception de l’ouvrage et du suivi de sa réalisation et l’obligation pour la construction d’ouvrages de bâtiment de définir la mission de maîtrise d’œuvre par référence aux éléments définis à l’article 7 de la loi MOP.

En 2019, le Code de la commande publique (CPP) est venu intégrer pleinement les dispositions de la loi MOP aux règles de la commande publique.


[1] Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. 

Commande publique : qu'est devenue la loi MOP ?

Le processus de codification du droit de la commande publique

Après plusieurs tentatives infructueuses de codification, le Conseil d’État a exprimé fermement la nécessité de codifier le droit de la commande publique.

L’objectif fixé était clair : la rationalisation, la simplification et l’amélioration de la sécurité juridique des contrats

A cette fin, l’article 38 de la loi dite « Sapin II » a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à l’élaboration de la partie législative du droit de la commande publique.

Ainsi, le 5 décembre 2018, l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du Code de la commande publique et le décret n° 2018- 1075 du 3 décembre 2018 portant partie réglementaire du Code de la commande publique ont été publiés.

Un arrêté du 22 mars 2019, portant l’annexe préliminaire du Code de la commande publique est venu compléter ce processus de codification.

L’ensemble des textes relatifs à la commande publique ont été regroupés dans un Code de la commande publique (CPP) applicable aux opérations dont les avis d’appel à la concurrence ont été publiés après le 1er avril 2019. 

Au total, 1747 articles regroupent l’ensemble des dispositions applicables aux contrats de la commande publique.

La codification est intervenue à droit constant de telle sorte que les dispositions précédemment en vigueur n’ont pas changé sur le fond.

La loi MOP a ainsi été intégrée au Code de la commande publique et abrogée, hormis le dernier alinéa de son article 1.

Reste désormais à déterminer si cette codification est synonyme de consécration de la loi MOP ou si elle l’a, au contraire, affaiblie.

La loi MOP dans le Code la commande publique : les principales évolutions

Les dispositions de la loi MOP ont principalement été intégrées dans le livre IV « Dispositions propres aux marchés publics liés à la maîtrise d’ouvrage publique et à la maîtrise d’œuvre privée ».

Les caractéristiques des acheteurs et opérations relevant du livre IV sont définis dans une nouvelle disposition, l’article L. 2410-1 du CPP.

Les éléments de mission de maîtrise d’œuvre sont désormais définis au chapitre Ier du titre III du livre IV de la deuxième partie du Code de la commande publique.

Si les règles n’ont pas sensiblement évolué sur le fond, le vocabulaire s’est adapté à la commande publique. En voici quelques exemples :  

  • La notion d’acheteur, qui regroupe les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices ;
  • La mission « assistance pour la passation du ou des contrats de travaux” (ACT) devient la mission “assistance pour la passation des marchés publics de travaux” (AMT) ;
  • La notion d’entreprise est remplacée par celle d’opérateur économique chargé des travaux ;

Surtout, la mission de maîtrise d’œuvre est désormais considérée comme une mission globale.

Il est ainsi dérogé au principe de l’allotissement, prévu à l’article L 2113-1 du CPP.

Par ailleurs, les éléments de mission de maîtrise d’œuvre, auparavant prévus par l’arrêté du 21 décembre 1993 ont été réécrits dans un nouvel arrêté du 22 mars 2019 précisant les modalités techniques d’exécution des éléments de mission de maîtrise d’œuvre confiés par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé.

Enfin, les conditions de recours aux marchés globaux prévues par la loi MOP ont été intégrées dans le Code de la commande publique.

Le Code de la commande publique prévoit notamment :

  • Une obligation de d’identifier dans les conditions d’exécution du marché global et pour l’ensemble des contrats globaux, une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception et du suivi de la réalisation ;
  • Une obligation d’adapter les éléments de mission de maîtrise d’œuvre aux spécificités des marchés globaux pour les ouvrages de bâtiments.

Conclusion

La loi MOP, qui vient poser le cadre des rapports entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’œuvre privée, s’est logiquement faite une place de choix au sein du Code de la commande publique.

Ce faisant, elle s’est toutefois rendue plus indissociable que jamais du droit de la commande publique, et s’est ainsi repliée à son profit.

Ce repli, qui avait été annoncé par les nombreuses dérogations à la loi MOP introduites par le législateur[1] et l’influence du droit européen, reste toutefois relatif.

Correspondance des thématiques loi MOP/Code de la commande publique

 Loi MOPArticle du CPP
Champ d’applicationArticles 1 et 2 de la loi MOP
Article 1 du décret du 14 mars 1986
L. 2411-1, L. 2412-1, L. 2412 -2 et R. 2412-1
Maîtrise d’ouvrageArticles 2 à 6 de la loi MOPL. 2421-1 à L.2421-5 et L.2422-1 à L. 2422-13 Nouveau : Article L.2422-1 sur l’organisation de la maîtrise d’ouvrage et le recours et à des tiers
Maîtrise d’œuvre privéeArticles 1, 2 et 7 de la loi MOP
Articles 2, 7, 15 et 16 du décret du 29/11/1993
L. 2430-1, L. 2430-2 et L. 2431-1 à 3 R. 2431-1 à 7
Élément de missions de maîtrise d’œuvre pour les bâtiments neufsArticles 3 à 11 du décret du 29/11/1993R. 2431-8 à 18
Éléments de missions de maîtrise d’œuvre pour les réhabilitations  Articles 12 à 14 du décret du 29/11/1993R. 2431-19 à 23
Éléments de missions spécifiques de maîtrise d’œuvreArticle 18 de la loi MOP
Articles 26 et 31 du décret du 29 /11/1993
R. 2431-32 à 36
Modalités techniques d’exécution des éléments de maîtrise d’œuvreArticle 27 du décret du 29/11/ 1993R. 2431-37
Contenu du marché de maîtrise d’œuvreArticles 28 et 30 du décret du 29/11/1993R. 2432-1 à 5
Rémunération du maître d’œuvreArticles 9 et 10 de la loi MOP
Articles 29 et 30 du décret du 29/11/1993
Article 19 du décret du 25/03/2016
L. 2432-1 et L. 2432-2, R. 2112-18, R. 2432-6 R. 2432-7
Rôle du maître d’œuvre lors de l’exécution financière des marchés de travauxArticles 2 et 5 du décret relatif à la lutte contre les retards de paiement du 29 mars 2013R. 2192- 12 à R. 2192-21

[1] Notamment, celles introduites par la loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite loi ÉLAN :   disparition de la mission de base, du concours, des éléments de mission, du séquençage pour les bailleurs sociaux ainsi que pour les logements étudiants CROUS jusqu’à fin 2021